L’inégale répartition des populations les plus modestes au sein des villes, mais aussi des plus aisées, contribuent le plus à la ségrégation spatiale
L’indice de ségrégation de chacune des villes est décomposable en indices de ségrégation pour chaque groupe d’individus classés selon le revenu déclaré par unité de consommation. Cette décomposition permet de quantifier la contribution d’un groupe de personnes donné à la ségrégation totale. Quel que soit l’indice de ségrégation d’une ville dans son ensemble, les personnes dont les revenus se situent aux extrêmes de la distribution sont ceux qui vivent les plus concentrés spatialement ; cela se vérifie pour les 20 % les plus aisés comme pour les 20 % les plus modestes. À l’inverse, les individus ayant des revenus intermédiaires se répartissent de manière plus uniforme dans les villes étudiées.
La forte ségrégation des habitants les plus modestes se retrouve notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville qui, par construction, sont des quartiers concentrant des personnes à faibles revenus. Dans le même temps, les quartiers résidentiels aisés sont le marqueur de l’importante ségrégation des habitants ayant les plus hauts revenus.
À Marseille, dans les quartiers constitués de grands ensembles situés au centre et au nord de la ville (comme la Belle de Mai, La Viste, Frais Vallon), la majorité des habitants font partie des plus modestes : le revenu médian de ces quartiers se trouve parmi les 20 % les plus faibles des revenus médians de tous les quartiers de la ville. Ces quartiers sont de ce fait très peu mixtes et on y trouve l’essentiel des quartiers de la politique de la ville de Marseille. Au sud de la ville, les 7e, 8e et 9e arrondissements sont constitués de quartiers bien plus aisés (comme Endoume, le Roucas Blanc), mais avec tout aussi peu de mixité sociale.
Plus de la moitié de la superficie des villes est constituée de quartiers où les personnes les plus aisées sont surreprésentées
Du fait de son poids démographique, un quartier densément peuplé contribue davantage à la ségrégation globale de la ville. Ainsi, même si les habitants les plus aisés et les plus modestes sont aussi peu uniformément répartis dans l’espace à l’intérieur des villes, l’impact sur la mesure de la ségrégation à l’échelle de l’ensemble de la ville n’est pas le même. En effet, les plus modestes vivent dans des zones plus densément peuplées que les plus aisés : à niveau de ségrégation donné, du fait de son poids démographique plus élevé, un quartier où résident principalement des personnes modestes contribuera relativement plus à l’hétérogénéité de la ville qu’un quartier où résident principalement des personnes aisées.
En moyenne dans les villes étudiées, plus de la moitié de la superficie est constituée de quartiers où les 40 % des individus les plus aisés sont surreprésentés. À l’opposé, moins d’un quart de la superficie regroupe des quartiers où les 40 % des individus les plus modestes sont surreprésentés. Même s’ils sont moins nombreux, ces quartiers plus densément peuplés contribuent davantage à l’indice de ségrégation des villes que les premiers.
À l’échelle de Marseille, le faible degré de mixité sociale des quartiers modestes au centre et au nord de la ville contribue ainsi bien plus au niveau de ségrégation total que celui des quartiers aisés au sud.
Entre 2004 et 2019, les disparités spatiales selon le revenu augmentent dans une grande majorité de villes
Sur les 50 villes étudiées entre 2004 et 2019, l’indice de ségrégation augmente dans plus de 30 d’entre elles. Il diminue sur la période dans une quinzaine de villes, comme Cannes, Amiens, Strasbourg, Grenoble, Valenciennes ou Marseille.
La comparaison entre 2004 et 2019 met en évidence la forte inertie à l’échelle des villes : sur une quinzaine d’années, le classement des villes selon cet indice change peu.
Entre 2004 et 2019, sur l’ensemble des quartiers et des villes étudiés, la part des quartiers où les 40 % d’habitants les plus aisés sont surreprésentés a augmenté de 2,1 points. De plus, la part des quartiers où les 40 % d’habitants les plus modestes sont surreprésentés a elle aussi augmenté de 1,2 point. À l’inverse, la part des quartiers où l’on retrouve à parts égales tous les cinquièmes de revenus a diminué sur la période de 2,8 points.
Tous les groupes de revenus vivent dans des quartiers de moins en moins mixtes, à l’exception des populations les plus modestes
L’évolution de l’indice de ségrégation, globalement orientée à la hausse, n’est toutefois pas uniforme selon les différents groupes de revenus. Dans plus de 9 villes sur 10, la ségrégation augmente pour les habitants appartenant aux deuxième et quatrième cinquièmes de revenus. La hausse de la ségrégation concerne aussi les 20 % les plus aisés dans plus de 8 villes sur 10. Les 20 % d’habitants les plus modestes sont les seuls pour qui la ségrégation diminue dans davantage de villes qu’elle n’augmente. La ségrégation des individus appartenant au troisième cinquième de revenus diminue dans autant de villes qu’elle n’augmente.
La mixité dans les quartiers prioritaires a diminué entre 2004 et 2019
Au sein des villes étudiées, la hausse des disparités spatiales selon le revenu s’explique principalement par la baisse généralisée de la mixité dans les différents quartiers et non par une augmentation plus rapide de la population des quartiers déjà peu mixtes par rapport aux autres quartiers. En effet, le poids démographique de chaque quartier varie peu entre 2004 et 2019, alors que la mixité sociale au sein des quartiers diminue.
Dans les quartiers prioritaires, le décrochage des revenus par rapport au niveau moyen de revenu de la ville s’accentue depuis 2004, avec dans ces quartiers une augmentation de la part des 40 % des habitants les plus modestes et une diminution de la part des 40 % les plus aisés. Les quartiers prioritaires sont donc devenus de moins en moins représentatifs de la population des villes dans leur ensemble : la mixité dans les quartiers prioritaires a baissé. Dans le même temps, leur population a augmenté nettement moins vite que la population des autres quartiers : la moitié des villes connaît une baisse d’au moins 15 % du poids démographique des quartiers prioritaires. De ce fait, malgré la baisse de leur mixité depuis 2004, les quartiers prioritaires ont contribué à diminuer l’indice global de ségrégation au niveau des villes dans plus de 4 sur 5 d’entre elles.
Source : Insee, « En 15 ans, les disparités entre quartiers, mesurées selon le revenu, se sont accentuées dans la plupart des grandes villes », 11 janvier 2023.
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